1. Contrôle des concentrations

Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) : Échange complexe d’actifs entre les entreprises RWE et E.ON (secteur de l’énergie), via trois opérations de concentration, contestées par des régies municipales allemandes au motif qu’elles constitueraient une entente entre concurrents pour se répartir la chaine de valeur (C‑464/23 P, C‑465/23 P, C‑467/23 P, C‑468/23 P and C‑470/23 P, 26 juin 2025) :

  • une opération relevant du règlement 139/2004 (contrôle des concentrations) écarte l’application du règlement 1/2003 (ententes anticoncurrentielles), en l’absence de plainte sur ce fondement (§ 58) ;
  • incompétence de la Commission pour examiner l’acquisition d’une participation minoritaire, en l’absence de plainte dénonçant l’opération comme étant de dimension communautaire visée par le règlement 139/2004 (§ 91) ;
  • un échange d’actifs entre entreprises indépendantes ne constitue pas une « concentration unique », devant être examinée dans une procédure unique de contrôle des concentrations, mais plusieurs opérations dont la Commission doit tenir compte dans l’examen de chaque concentration dès lors qu’elles sont interdépendantes (§ 108) ;
  • un considérant de règlement, s’il peut éclairer l’interprétation à donner à une règle de droit, ne saurait ni constituer une telle règle ni mener à une définition non conforme aux dispositions du règlement au préambule duquel il s’intègre (§ 105).

CJUE : une personne physique ou morale ne peut former un recours contre une décision de concentration adressée à une autre personne que si cette décision la « concerne directement et individuellement » (même affaire que supra, C‑466/23 P, 26 juin 2025) :

  • une simple participation à la procédure administrative de contrôle des concentrations ne suffit pas (e.g., test de marché, questionnaire), mais cela est pris en compte pour caractériser un faisceau d’indices concordants ou de faits ; 
  • la position actuelle et future d’une entreprise tierce à une opération de concentration sur un marché pouvant être influencé par cette opération doit être affectée de façon substantielle pour que cette entreprise puisse être individuellement concernée par la décision (§ 27 et s.).

2. Pratiques anticoncurrentielles

Commission : sanction d’une entente sur le marché du travail et de l’utilisation anticoncurrentielle d’une participation minoritaire de Delivery Hero dans son concurrent Glovo (communiqué de presse) :

  • la détention d’une participation minoritaire dans le capital d’un concurrent a permis des contacts anticoncurrentiels à plusieurs niveaux, un accès à des informations commercialement sensibles et d’influencer les processus décisionnels de Glovo :
    • accord de non-débauchage des salariés respectifs : le pacte d’actionnaires, signé au moment où Delivery Hero a acquis une participation non-contrôlante dans Glovo, contenait des clauses de non-recrutement réciproques limitées, applicables à certains salariés. Cet accord a ensuite été élargi pour devenir un accord général de non-sollicitation des salariés de l’autre partie ;
    • échange d’informations commercialement sensibles visant à aligner le comportement des parties (e.g., stratégies commerciales, prix,  capacités, coûts et caractéristiques des produits) ;
    • répartition des marchés géographiques en supprimant tous les chevauchements qui existaient entre les parties, en évitant de pénétrer leurs marchés nationaux respectifs et en se coordonnant pour décider laquelle allait pénétrer des marchés sur lesquels aucune des deux n’était encore présente.

Autorité française de la concurrence: sanction de deux ententes dans le secteur de l’ingénierie, du conseil en technologies et des services informatiques (communiqué de presse) :

  • accords de non-débauchage prenant la forme de gentlemen’s agreements (i) de non sollicitation, de portée générale et sans limitation de durée, indépendament de la mission des salariés, (ii) de refus des candidatures spontanées et (iii) de concertation lorsque des mouvements de salariés étaient en projet ;
  • ces pratiques de non-débauchage sont considérées comme des restrictions de concurrence « par objet » (i.e.,la démonstration d’effets anticoncurrentiels sur le marché n’est pas requise pour établir une sanction) ;
  • non-lieu s’agissant des clauses particulières de non-sollicitation de personnel compte tenu de leur caractère ciblé (limité à une catégorie de personnel, un projet, etc. et dans le temps).

Cour de cassation (3 juin 2025: contentieux des OVS – précisions sur la définition du legal privilege :

  • des déclarations anonymes, dont la consignation dans un procès-verbal n’est pas requise par l’article L. 450-2 du code de commerce, peuvent suffire à établir des présomptions de pratiques anticoncurrentielles justifiant des OVS, dans la mesure où elles sont établies et signés par les agents de l’administration et sont corroborées par d’autres éléments d’information ;
  • seuls sont protégés par le secret professionnel les courriels et courriers directs entre le client et l’avocat, comme émetteur ou comme seul destinataire externe à l’entreprise, matérialisés par sa présence dans les émetteurs des messages ou dans les destinataires directs ;
  • la preuve que des échanges avocat-client liées aux droits de la défense sont insaisissables incombe à celui qui conteste leur saisie devant le premier président de la Cour d’appel ;
  • le principe du contradictoire n’impose pas que l’entreprise visée par les OVS ait accès à la version confidentielle des documents fournis au Juge de la Liberté et de la Détention par l’administration, à l’appui de sa requête aux fins d’être autorisée à procéder à des OVS. L’accès au complet dossier et la discussion des pièces produites pourra s’exercer, en cas d’engagement des poursuites, pendant la phase juridictionnelle, lors de laquelle les principes du contradictoire et de l’égalité des armes sont garantis.

Autorité belge de la concurrence: publication de nouvelles lignes directrices sur la conduite des OVS. Ces lignes directrices rappellent notamment :

  • l’obligation de coopération de l’entreprise visitée, en particulier l’interdiction de divulguer à qui que ce soit en interne et en externe, sauf autorisation des enquêteurs, le fait que l’entreprise est soumise à une perquisition ;
  • l’obligation de mettre à disposition des enquêteurs toute personne concernée par les perquisitions, notamment en sollicitant leur déplacement immédiat dans les locaux visités, munis de leurs moyens de communication et données professionnelles, ou en communiquant aux enquêteurs l’adresse de leur domicile/résidence ;
  • le droit  d’inspecter tous les dispositifs et supports privés utilisés (même en partie) à des fins professionnelles (g., portables et ordinateurs personnels, cloud) ;
  • le droit de fouille étendu aux locaux à usage professionnel de tiers (personne physique ou morale) chargés de la gestion commerciale, comptable, administrative, fiscale et financière de l’entreprise visitée ;
  • le legal privilege porte sur (i) toutes les communications entre un avocat affilié à un barreau de l’Union européenne et ses clients, incluant les documents et leurs annexes (ii) les avis et les demandes d’avis des juristes d’entreprises (définition beaucoup plus large qu’en France, cf. supra).

3. Aides d’Etat

Commission : adoption du nouvel encadrement en matière d’aides d’État à l’appui du pacte pour une industrie propre (CISAF), afin de permettre aux États membres de promouvoir le développement de l’énergie propre, la décarbonation de l’industrie et les technologies propres (cf. Sélection mars 2025) :

  • applicable jusqu’au 31 décembre 2030 ;
  • remplace l’encadrement temporaire de crise et de transition, en vigueur depuis 2022 ;
  • mise en ligne d’un récapitulatif des possibilités de mesures de soutien prévues par le CISAF : ici.